Workshop – City & buildings tranformation – Rapport journalistique

Titulaire d’un master en architecture, en design urbain et en urbanisme, Luk Peeters est un partenaire fondateur d’« ORG Permanent Mobility », bureau de conception multidisciplinaire pour l’Urbanisme et l’Architecture, dont il dirige le département Architecture.

Dans son exposé ‘City and buildings transformation’, il explique que le monde est confronté à plusieurs menaces systémiques auxquelles les projets urbains peuvent apporter une réponse. Cependant, pour mener à bien un projet urbain, il faut pouvoir surmonter plusieurs obstacles. Aux obstacles techniques et financiers (généralement connus) s’ajoutent aujourd’hui des facteurs spatiaux et sociaux. Si nous abordons ces défis avec efficacité, nous récolterons projets réussis et réalisables pouvant être réellement menés à bonne fin. Désormais, il convient dès lors d’analyser l’impact spatial d’un projet sur son environnement et sur les personnes qui s’y trouvent. Nous ne devons pas reconsidérer nos villes mais plutôt les rendre plus fortes. Nous devons revoir la qualité de base de nos habitations. Certaines villes imposent, par exemple, l’aménagement d’une terrasse extérieure ou d’un jardin pour chaque habitation individuelle.

Des villes résilientes

Dans notre vie quotidienne, nous sommes confrontés à quatre défis auxquels nous devons apporter une réponse si nous voulons évoluer vers une ville résiliente. Quatre défis que Luk Peeters qualifie d’« incapacités ».

La première incapacité concerne l’inaptitude à « décoder notre environnement ». Nous devons apprendre de nouveau à mieux décoder notre environnement. Différents défis tels que la mobilité, le climat et la croissance démographique ne freineront pas la construction, mais nous devons nous demander où et comment nous allons encore construire.

Dans le cas de projets urbains, il ne s’agit pas seulement de développement. Nous n’atteindrons la qualité urbaine que si nous envisageons dans le même temps les notions de mobilité et de développement. Les nouveaux développements doivent aller de pair avec une accessibilité de qualité. Nous ne pouvons continuer à construire dans des lieux à peine accessibles. Les lacunes se situent à la croisée des systèmes urbain et rural. Tandis que, dans les villes, le transport public fonctionne bien, la sacrosainte voiture règne presque exclusivement en maître à la campagne. Les problèmes se posent là où ces deux systèmes devraient se rencontrer. Rejoindre la ville en voiture est devenu une mission impossible et nos transports publics ne parviennent pas à desservir l’ensemble de nos zones rurales. Nous percevons d’énormes possibilités de développement aux confluents de ces deux systèmes de transport, mais nous ne pourrons y parvenir qu’en nous penchant sur la dimension qualitative de cet espace public. Nous devons également réfléchir à la manière dont nous allons tisser l’ensemble de ce réseau et en améliorer la lisibilité. Ces nœuds de trafic offrent précisément de nombreuses possibilités de développement et d’amélioration d’image.

Possibilités de développement

La zone intermédiaire entre la ville et la campagne offre aujourd’hui des chances uniques pour le développement d’un nouveau réseau de mobilité proposant de nombreux services de mobilité différents. Concevoir une solution qualitative pour ce chaînon manquant offre des possibilités de développement. Divers nouveaux services de mobilité ont fait leur apparition : « mobility as a service », les véhicules partagés, les véhicules « on demand », le micro-transit, etc. Ces zones de transition présentent actuellement un faible taux d’occupation et sont fortement tributaires de la voiture. C’est précisément dans ces zones que les villes sont les plus encombrées. De récentes innovations technologiques permettent l’aménagement de bandes de circulation spéciales et l’activation de ces sites pour la transition multimodale. Cette nouvelle offre de mobilité comporte également de nouvelles possibilités pour le développement immobilier autour de ces stations multimodales. Nous pouvons également densifier ces zones. La collaboration entre les développeurs immobiliers et les fournisseurs de mobilité présente un large potentiel. Le réaménagement du domaine public ne constitue pas seulement un exercice d’infrastructure, il pose également un défi crucial quant à l’espace « décodable » à y organiser. La qualité d’image du domaine public est de plus en plus importante.

L’environnement mérite mieux

La deuxième incapacité citée par Luk Peeters concerne l’inaptitude à façonner notre environnement. Cette incapacité tient au manque d’implication (suffisante) du volet humain dans les projets des développeurs. Les nouveaux développements et la conception de projets requièrent aujourd’hui l’implication du public. Les habitants et les utilisateurs ultérieurs doivent pouvoir approuver le projet. Ils doivent le soutenir et avoir la possibilité d’y prendre part. Les exemples sont légion. Le projet est généralement bloqué à défaut d’implication suffisante de la population. Exemple type : le ring d’Anvers, pour lequel un accord a semblé impossible durant vingt ans… jusqu’à ce que des trajets alternatifs soient élaborés avec la participation de la population et que des solutions soient obtenues au niveau de la mobilité et de la qualité de vie.

Nous devons donc apprendre à façonner différemment notre environnement. L’empreinte sur l’environnement ne peut plus être unilatérale. Nous ne pourrons réaménager radicalement notre environnement qu’avec le concours des utilisateurs et des habitants. La société gagne en autonomie et nous ne pouvons plus lui imposer des projets d’en haut.

Polyvalence

La troisième incapacité épinglée par Luk Peeters est l’incapacité à se mettre en relation les uns avec les autres. Les transformations résilientes des villes reposent sur des stratégies de cohésion sociale développées en tandem avec la conception. Ces stratégies aident les gens à apprendre à partager les espaces et à entretenir de nouveaux types de relations mutuelles. En effet, les auteurs de projet créent des espaces plus multifonctionnels qui nécessitent de nouvelles techniques et stratégies.

Le compartimentage des fonctions dans un environnement urbain a exercé un impact énorme sur les développements urbains du 20e siècle avec, pour conséquences des problèmes de mobilité, des problèmes climatiques, etc. Auparavant, les villes étaient surtout des centres de production et d’industrie. Ces 20 dernières années, les grandes villes européennes ont cependant gagné en attractivité, devenant des lieux privilégiés où résider, faire commerce, vivre, se détendre. Les villes d’aujourd’hui sont malgré tout inachevées. Nous prenons progressivement conscience de la place qu’il convient de redonner à la production en ville. Les villes ne doivent pas rester cantonnées au statut de simple vitrine de consommation. Si nous entendons intégrer cette facette de « ville productive » dans notre tissu urbain, nous devons apprendre à « flexibiliser » les ouvrages que  nous y construisons. Cette notion de flexibilité doit nous amener à une concevoir des bâtiments potentiellement « multi-fonctions ». Ce mode de conception s’inscrit davantage dans les formes d’économie circulaire de demain. La production, l’achat et le traitement de produits se feront désormais dans un seul et même lieu.

Cependant, l’« urban mix », c’est-à-dire le mélange de différentes fonctions dans la ville, est moins hétérogène que nous aimerions le croire. Ramener la production en ville offre des possibilités d’innovation. Certaines de ces entreprises productives sont ancrées dans le tissu urbain et dans l’économie locale. Les fabricants peuvent également contribuer à la transformation des déchets en nouvelles matières premières destinés à la création de nouveaux produits. Ils bouclent ainsi les circuits des matières premières. Et la production diversifie le marché du travail et amène l’emploi et les compétences en ville. Dans le même temps, nous devons veiller également à ce que le domaine public organise la vie urbaine et s’attaque aux problèmes de sécurité, de nuisances sonores, de traitement de l’air, de nuisances olfactives, etc.  Nous devons donc apprendre à renforcer de nouveau la polyvalence de nos villes.

Conception

Quatrième et dernière incapacité : l’inaptitude à accorder de l’importance à la conception. Aujourd’hui, la conception est encore trop souvent considérée comme la création d’un objet. L’architecte pare le bâtiment d’une jolie façade, une considération qui réduit la conception à une expérience esthétique, alors même que de nouvelles technologies offrent précisément des possibilités supplémentaires en termes de conception.

La conception est une éternelle recherche du bon équilibre entre la rationalité et la conception abstraite.

Nous devons apprendre à accorder à nouveau davantage d’importance à la conception. La conception et le design doivent occuper une place plus prépondérante dans le processus de construction. Ils sont trop souvent réduits à un aspect esthétique, mais cette simplification est trop drastique. Trop souvent, les fonctions des bâtiments ont reçu la priorité absolue, mais cet aspect purement fonctionnel ne fut pas sans conséquence : les gens se sont sentis totalement isolés de leur milieu de vie.

Les nouvelles technologies telles que l’impression 3D, la découpe au laser, le béton renforcé de fibres ou les différents plastiques offrent aujourd’hui de nouvelles possibilités. La forme et la fonction ne doivent faire qu’un. En tant que concepteurs de bâtiments, nous devons constamment trouver un équilibre entre la rationalité de la construction et l’empathie. L’évolution technologique actuelle nous permet de travailler bien plus efficacement sans nécessiter un travail intensif. Grâce aux nouvelles techniques, la conception redevient abordable. Les auteurs de projet ont la responsabilité de réfléchir à la forme, et cette possibilité leur est offerte aujourd’hui.