Dans quelle mesure les constructions neuves seront-elles encore abordables à terme ?
Si nous voulons maintenir notre modèle immobilier, les habitations doivent rester abordables. Or, l’accessibilité financière des habitations est de plus en plus sous pression. Plus de la moitié du secteur s’attend à une nouvelle baisse de cette accessibilité au cours des dix prochaines années. Nous résumons ici les principales conclusions du rapport immobilier d’ING.
La diminution de la taille des ménages entraîne une modification progressive de la demande de logement. Les « baby-boomers » échangent de plus en plus souvent leur maison contre un appartement, tandis que les jeunes reportent l’achat d’une maison. Il existe par ailleurs de nouveaux modes de vie et d’habitat. On préfère ainsi rogner sur le nombre de mètres carrés par habitant pour qu’une maison reste accessible financièrement. Malgré la demande croissante de maisons de plus petite taille, le marché du logement dans son ensemble ne s’est que peu développé. On a même noté une baisse du nombre de transactions du côté de l’immobilier existant. Ces dernières années, les changements démographiques tels que le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de familles monoparentales, combinés aux adaptations des droits d’enregistrement et à un taux d’intérêt extrêmement bas, auraient pourtant dû stimuler l’activité sur le marché de l’immobilier. Il n’en est rien sur le marché des logements existants.
À cela s’ajoute l’accumulation, ces 20 dernières années, d’un excédent de 200.000 habitations. Les prévisions démographiques pour les dix prochaines années annoncent une hausse moins importante du nombre de ménages en Belgique. Avec l’excédent de logements accumulé, le rythme de croissance annuel du parc résidentiel sera intenable à long terme.
Hausse des coûts
De manière générale, le secteur de l’immobilier n’est pas très optimiste sur la question de l’accessibilité financière des logements. Une toute grande majorité estime que les constructions neuves seront moins abordables durant les cinq prochaines années. Cette affirmation est surtout basée sur la disponibilité et la tarification des terrains à bâtir, la multiplication et le renforcement des normes environnementales, les taux d’intérêt et la situation économique générale. Il règne surtout une impression selon laquelle les normes énergétiques plus sévères entraînent une hausse des frais de construction. Pour se conformer à ces normes énergétiques, les interventions les plus fréquentes sont la pose d’une isolation supérieure à la norme et l’utilisation de vitrage à haut rendement. Si les panneaux solaires et les pompes à chaleur sont également courants, les matériaux biologiques sont loin d’être entrés dans les mœurs. Une construction plus durable peut pourtant contribuer au caractère abordable des logements. Ainsi, les habitations présentant un niveau E inférieur à 20 sont déjà exonérées du précompte immobilier en Flandre. Néanmoins, le secteur de l’immobilier reste convaincu qu’une construction plus durable est aussi plus coûteuse. Le prix d’achat d’une habitation est certes plus élevé, mais des coûts énergétiques sont économisés sur le long terme. Au moment de l’achat, les acquéreurs doivent toutefois pouvoir mettre un montant plus élevé sur la table.
Les retards administratifs, la recherche du terrain approprié et la recherche d’une main-d’œuvre de qualité et abordable sont autant d’éléments qui ont un impact sur l’accessibilité financière des habitations. D’aucuns pensent que les terrains à bâtir deviendront encore plus chers au cours des deux prochaines années ce qui, à nouveau, menace le caractère abordable des logements.
Consommation de matières premières
Notre mode de production actuel nous fait gaspiller une très grande quantité de matières premières. Ces dernières s’épuisent et une pénurie de matières premières peut entraîner une forte hausse des prix. La liste européenne des « matières premières critiques » – importantes pour l’économie et dont l’approvisionnement comporte des risques – est passée de 14 à 27 matériaux entre 2011 et 2017. Les Nations Unies ont même récemment déclaré que l’utilisation actuelle de sable dans le monde était intenable sur le long terme.
Si, comme le montre l’analyse, la pression sur l’accessibilité financière des logements ne cesse de croître au cours des prochaines années, le secteur de la construction devra trouver des solutions.
Nouvelle technologie
La réduction de la taille de l’habitat constitue une première piste pour préserver le caractère abordable des habitations. Une très grande majorité du secteur de l’immobilier pense que la superficie des appartements diminuera au cours des prochaines années. Il existe assurément un marché pour des appartements plus petits et centraux, mais cette position centrale pourrait justement faire grimper à nouveau le prix d’une unité de logement, ce qui neutraliserait l’amélioration de l’accessibilité financière des logements.
La productivité dans notre secteur de la construction est faible et augmente beaucoup moins vite que dans l’industrie. Les entreprises de construction présentent une moins grande intensité de capital et peuvent difficilement profiter d’économies d’échelle pendant la production. La production liée à l’emplacement rend la production en série pratiquement impossible dans les usines. La grande variété dans la construction complique la mise en place des stocks, ce qui réduit presque à néant les économies d’échelle pendant la production.
En revanche, les nouvelles technologies ouvrent des perspectives pour améliorer le caractère abordable de l’habitat. Elles permettent d’augmenter la productivité au travail, de diminuer les coûts et de réduire l’empreinte écologique du secteur de la construction.
Le Building Information Model (BIM) permet par exemple de réaliser des ouvrages de construction de façon numérique. Un tel modèle numérique facilite la détection des erreurs. On limite ainsi les frais inutiles tout en économisant des matériaux. Le BIM permet par ailleurs de tenir à l’œil la consommation totale des matériaux. On peut ainsi déterminer plus facilement la valeur du bâtiment tout en encourageant la réutilisation. Le fait de savoir quels matériaux se trouvent dans le bâtiment et comment ils ont été mis en œuvre facilite la réutilisation ultérieure de ces matières premières ou de ces éléments. Le BIM permet donc de gagner en productivité et de réduire l’empreinte écologique d’un bâtiment. D’autres techniques entraînent aussi de tels gains : l’impression 3D, les systèmes de construction modulaires, la préfabrication et l’utilisation de robots maçons. Une majorité au sein du secteur est convaincue que les trois premières seront certainement davantage utilisées dans un proche avenir.
Cependant, le BIM est encore bien trop peu connu dans le secteur : à peine 32 % des personnes interrogées savent de quoi il s’agit. Le modèle est bien plus familier chez les concepteurs et les entrepreneurs.
Offre de logements
L’utilisation de nouvelles technologies s’accompagne toutefois de nouveaux coûts d’investissement initiaux et de nouveaux frais d’entretien. Pour les plus petites entreprises, ces coûts peuvent représenter un obstacle à l’utilisation de telles technologies, même si ces dernières augmentent la productivité. Si les nouvelles technologies réduisent souvent la durée de la construction ou optimalisent la consommation de matières premières, elles n’ont aucun impact sur la durée du processus de vente d’une habitation. Elles pourraient donc encore accroître l’offre de logements.
La construction circulaire peut aussi ralentir la baisse des coûts de construction. Dans une économie circulaire, toutes les matières premières sont réutilisées. Il existe différentes façons de travailler de manière circulaire. On peut maintenir des matières premières plus longtemps dans l’économie en rendant un produit facilement démontable. Les déchets d’un procédé ou d’une entreprise peuvent être des matières premières pour un autre procédé ou une autre entreprise. Ce qui était auparavant un déchet est revalorisé en matière première. L’économie de partage – partage d’espaces, de machines ou de fonctions – entre plusieurs partenaires ou entreprises permet de réduire les coûts de la construction. Il en va de même pour l’énergie renouvelable ainsi que pour la réutilisation et l’épuration des eaux usées.
La construction circulaire n’est pas seulement synonyme de diminution de la production de déchets, mais aussi d’efficacité énergétique accrue et d’économies financières. Il peut s’agir également de modèles d’entreprises différents. Ainsi, les entreprises de construction peuvent, au lieu de vendre le bâtiment ou les unités, rester propriétaires et encore proposer, en tant que tels, des services d’entretien. Ce modèle d’entreprise est également appelé « design-build-finance-maintain model ». Un tel modèle s’approche du modèle d’entreprise circulaire « product as a service ».